2/23/2017

Voter ou ne pas voter? C’est la question.

Mon accès au droit vote a été diminué quand j’ai quitté l’Iran pour la France. Ici, j’explique ma soufrance d’être privé de ce droit: https://goo.gl/6Nu8ng

Ensuite, j’ai eu l’occasion d’échanger et de discuter avec plusieurs amis sur ce thème. La question est comment nous comprenons le système de vote et comment nous pouvons approfondir la qualité démocratique du système électoral. Les points de vue sont divers.

Marie a éxpliqué comment elle comrend ce sujet et comment elle est prêt à agir. Vous pouvez lire sont opinion ici: https://goo.gl/KBVueK

Il y a une campagne pour échanger entre des residents en France qui ont le droit le vote mais ne veulent pas voter et des residents qui veulent voter, mais n’ont pas le droit de vote: http://alter-votants.wixsite.com/2017

J’ai aussi expliqué pour qui je voterais si j’avais le droit de vote: https://goo.gl/8MVycJ

J’ai eu un échange riche et intéressant avec une amie sur ce sujet. Sonia n’est pas pour le droit de vote pour les étrangers. Mais pour moi, catégoriser certains résidents permanents en France comme des étrangers n’est pas clair. De toute façon, son histoire avec le vote est assez intéressante. Je vous invite à lire son texte et à réagir à ce sujet.

Partagez aussi votre hostoire et votre opinon sur le droit de vote.

Sonia:

Sonia


Hamze,

Je ne vote pas. Ce n'est pas par désintérêt, au contraire. Chaque jour qui passe où je lis les nouvelles de la politique francaise, je suis plus soulagée de ne pas me sentir responsable de leur pouvoir, et de n'avoir même pas participé au système qui leur a permis d'arriver au pouvoir.

Mais mon dégoût de la vie politique française, et le peu de confiance que j'ai en cette démocratie représentative, remonte à longtemps. Voilà comment j'en suis arrivée là : 

Une histoire de famille

C'est une histoire. L'histoire d'une famille française, comme beaucoup d'entre elle, avec de multiples origines, en France, au maghreb, de multiples influences religieuses: musulmane, catholiques et juives. mais sans religion, l'identité francaise était le principal voire le seul socle fondateur culturel de la famille et avec elle, son incarnation dans la vie citoyenne : le Vote. On allait au bureau de vote comme on allait autrefois à l'église. Tout en famille, bien habillés, avec un air un peu solennel et officiel, avec le sentiment d'accomplir son devoir, avec bonne conscience et enthousiasme. J'ai vu cela enfant, je ne comprenais pas très bien mais je savais que c'était important et sérieux.

Découverte de la (médiocre) vie politique

Et j'ai grandi. Je pensais toujours que la politique était quelque chose de sérieux. Un de mes premiers souvenirs de la vie politique était quand j'ai entrepris de regarder les questions à l'Assemblée Nationale vers mes 15 ans. C'était le débat sur les 35h à l'Assemblee Nationale. Je regardais cela avec beaucoup de sérieux, beaucoup d'envie de faire des efforts pour comprendre la politique de mon pays et pour pouvoir faire un choix éclairé plus tard.

Mais j'ai déchanté : J'ai trouvé une bande de gamin s'écharpant autour de questions futiles et de débat violents, agressifs, non constructifs. Je trouvais, à tous, à gauche comme à droite, leur approche simpliste, partisane, peu soucieuse du bien commun. L'ego des députés et ministres était criant. Ces gens là se moquent des réels soucis de leur citoyens. Ils sont tous là pour défendre leur bifteck dans ce théâtre pathétique et ridicule que devenait l'Assemblée Nationale.

J'avais aussi assisté, médusée, au discours de Jospin qui attaquait la droite d'avoir été anti-dreyfusarde et esclavagiste, il y avait donc près de 150 ans... qui avait provoqué le départ de députés de droite de l'hémicycle. (Je me considérais à l'époque plus proche des socialistes par tradition familiale). Réutiliser à des fins partisanes cet episode si tragique de l'histoire de France, la preuve de l'établissement profond de l'antisémitisme en France qui fera le pays participer au massacre de la Shoah. "Regardez! La droite c'est les méchants vous voyez, nous nous étions gentil déjà il y a 100 ans." Je trouvais ça ridicule et honteux.

Que d'enfantillages! Quelle déception, quelle honte j'ai eu. Honte d'être représentée par ces clowns qui s'insultent inutilement plutôt que de s'attaquer sérieusement aux problèmes et de gouverner le pays. Avec beaucoup d'inquiétude, j'ai commencé dans les années qui ont suivi à suivre les propositions et le respect des programmes, l'intégrité des candidats. En croyant, encore, très naïvement, que j'en trouverais plus intègre que d'autres. Je croyais trouver des partis moins corrompus que d'autres, trouver des partis ou les candidats respectent plus leur promesse, trouver des candidats réellement soucieux du bien être de leur citoyens. Mais je n'ai rien trouvé de tel.

Vote ou ne pas voter. Le respect de l'expression populaire

J'ai donc décidé de ne pas voter. Et puis sont venues, les élections présidentielles. Le Pen était au deuxième tour. J'étais dans Paris, et comme ca au milieu de la rue, les gens ont commencé à défiler et à manifester et j'ai participé comme cela aux premières manifestations sauvages. Les manifestants étaient même encadrés par la police, autorisant par la même occasion des manifestations illégales.

Et puis j'ai allumé la télé. Et j'ai vu toute cette classe éduquée et bien pensante, faire la morale au pauvre électorat front national, inculte, qui ne mesurait pas la portée de son acte en votant FN. Je ne partage pas du tout les idées du front national, mais un tel mépris pour l'expression populaire m'était insupportable. J'étais, une fois de plus, dégoutée du systeme politique francais. J'ai continué à ne pas voter.

Puis est arrivé Sarkozy et les élections où il risquait d'être président. J'ai vu un discours violent et son comportement agressif, stigmatisant pour les français d'origine africaines que je trouvais dangereux. J'ai eu peur. J'ai grandi dans la banlieue parisienne nord, mon enfance a été rythmée des nouvelles de crises cardiaques de noir et d'arabes dans les commissariats. La violence policière me fait peur et je me sens concernée par la question de la répression dans les banlieues. Je me suis inscrite sur les listes pour voter contre Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal était la candidate adverse, elle a fait une campagne tout autant accès sur la sécurité. J'etais degoutée. J'ai presque voté Ségolène Royal avec le soulagement de savoir qu'elle allait perdre. Pour elle, tout s'est bien passé, elle a perdu, mais du coup Sarkozy a gagné. Tout ça pour ça. Ça n'avait servi à rien. 

Alors, comme j'aimais bien le faire, j'ai rejoint les manifestations improvisées à la Bastille le soir de l'élection. Les manifestants étaient là, les flics aussi. Mais cette fois là, il n'était pas question de manifester. J'ai vu ce soir la une police très violente, chargeant des gens assis au sol, la place était pleine de bombe lacrymo. J'ai pu me réfugier dans un bar de la rue de la roquette coincé entre deux rangées de flics qui avaient bloqué tous les accès de la rue. La violence de la police mise en regard de leur soutien indéfectible qu'elle nous avait donné alors, manifestant contre l'élection de Le Pen au premier tour des présidentielles en disait trop. Nous ne servons plus le système comme nous l'avions servi en manifestant contre Le Pen. La liberté d'expression et de manifestation à géométrie variable. Le pouvoir sait utiliser le vote, et l'expression populaire comme bon lui semble. Et cela me donne d'autant plus l'impression que nous sommes manipulés par le pouvoir politique comme des pions, dans le vote ou les manifestations. 

Fuite

Après je suis partie vivre à l'étranger. C'était compliqué de voter. Et j'en étais très heureuse. J'étais heureuse de l'élection de François Hollande. Mais quand j'ai vu comment lui et le parti socialiste gouvernait, j'étais encore plus heureuse de ne pas avoir voté pour lui. Je crois qu'au coup de la déchéance de la nationalité, j'en aurais mal dormi.

Et me revoilà en France en 2016. Je suis entourée de gens qui considèrent inadmissible de ne pas voter. Des gens plutôt de gauche, qui me semblent avoir une foi aveugle en la république. Alors pour avoir la paix, pour arrêter d'être en conflit avec des membres de ma famille et de mes amis proches a ce sujet, je me suis inscrit sur les listes. Pour avoir la paix et laisser les bien pensants penser que je suis de leur côté et que je crois encore à ce qui me semble être une grande mascarade. 

Vote des étrangers

Sur le vote des étrangers. Je ne suis pas pour, pour plusieurs raisons. Déjà, il y a beaucoup de français qui ne votent pas. Ne vaudrait-il pas mieux réparer la démocratie francaise deja cassée et essayer de faire voter les français plutôt que de faire voter les étrangers? Et puis, si le droit de vote n'est plus réservé aux francais alors que est le sens d'etre francais. Je suis pour que les gens qui veulent voter et s'intégrer pleinement dans la vie citoyenne francaise deviennent francais. Mais je connais des étrangers résidents en France qui n'ont jamais souhaite devenir français. Tout simplement parce qu'ils ne se sentent pas français et ne veulent pas faire partie de ce pays. Pourquoi donnerait-on le droit de vote a des gens qui ne souhaitent pas participer à la citoyenneté. La France a naturalisé énormément d'étrangers depuis 40 ans. Pas par pure générosité, aussi par intérêt économique. Cela déstabilise profondément l'identité du pays. Une partie de la population est perturbée et questionne l'identité du pays. Ne prenons pas le risque de la troubler davantage. Prenons soin d'elle, essayons d'avancer en paix avec cette identité nouvelle. Puis en second lieux, quand la France ne se posera plus de question sur son identité, quand elle se sentira une et unie avec ce nouveau visage de toute les couleurs, alors peut être pourrons-nous questionner la citoyenneté et le droit de vote. Mais cela me semble aujourd'hui trop fragile et délicat. Mais après tout, à quoi sert donc ma citoyenneté française et mon droit de vote si je ne vote pas? Mais je ne sais pas quoi voter.

Un vote utile?

J'ai tout de suite été interpellée par ton désir de voter et d'être impliqué dans la démocratie française. Cela a tellement de sens, parce que je sais d'où tu viens, parce que j'ai vu la jeunesse iranienne se lever pour avoir le droit de voter a des élections libres et transparentes. Parce que d'ici, de Paris, je me suis sentie tellement proche de cette jeunesse iranienne et leur combat pour un réel droit de vote, libre transparent comme c'est le cas en France, m'a semblé tellement important et tellement juste.

Et voici que a travers ton post dans mon feed facebook, ce cri de la jeunesse iranienne s'exprime à nouveau, en français et pour le vote aux élections francaise.

Or voilà, dans ce contexte francais, pour moi le vote ne veut plus du tout dire la même chose. Et j'ai beaucoup de mal à comprendre les nombreux appels a voter de mon entourage proche et moins proche.

Souvent je n'ai pas voté en France. Je n'étais même pas inscrite, pendant les 8 premières années de ma majorité, par volonté. Il me semble être une immense mise en scène par laquelle on légitimise un système conservateur qui en lui même empêche la modification profonde de ce système. On légitimise aussi un système anti-démocratique, puisque cela fait longtemps en Europe en général, que les expressions populaires et directe par referendum (France, Pays-Bas et Grèce) sont méprisés et ignorés a coup de traites, de décret et de troïka

Donc, Hamze, je veux bien t'écouter. Et comme j'adore visiter Paris avec des touristes étrangers, tout comme j'aime redécouvrir toute sa beauté a travers leur yeux, je voudrais pouvoir voir a nouveau la démocratie francaise avec tes yeux neufs et peut être moins désabusés que les miens. Et peut être pourrais-je y voir a nouveau quelque chose de beau. Et peut être qui sait, avoir envie de voter pour ton candidat.